Et si le plus vieux festival du monde était en passe de devenir le plus grand ?

Le quinquagénaire que je suis se sent parfois un peu dépassé par les nouveautés. Alors, en découvrant la programmation du Nice Jazz Fest, je n’ai reconnu que trois noms… Et pourtant, depuis mon plus jeune âge, je fréquente ce festival que j’ai vu changer de nom, de formule, et de lieu — passant des arènes de Cimiez à la place Masséna.
Je m’y rends aujourd’hui par habitude, certain d’y passer une belle soirée. Mais depuis deux ans, quelque chose a changé. Ce ne sont plus les « noms qui claquent » qui font l’affiche, ni seulement des têtes d’affiche prometteuses — c’est un concept qui l’emporte.
Écouter de la musique de qualité, paisiblement, en famille, en dégustant quelques mets… Passer d’une scène à l’autre, d’une jam session intimiste à une scène de 10 000 personnes ; s’essayer au tir à la fléchette ou à la pétanque ; applaudir un solo de contrebasse entre deux sets. Bref, on ne vient plus pour « voir des stars », mais pour vivre un moment, pour l’être plutôt que le paraître.
Impossible de revenir ici sur les 28 concerts. Je me contenterai d’en citer quelques-uns, presque au hasard :
Jalen Ngonda, pour une soul-pop lumineuse. Tyreek McDole, une révélation : pas besoin de regarder The Voice pour découvrir les voix de demain, elle était là. Bien que je ne sois pas fan de -M-, je dois reconnaître qu’il est impressionnant : il revisite ses morceaux à la sauce africaine avec le projet Lamomali, et cela fonctionne incroyablement bien. Nubya Garcia a une voix qui pourrait presque nous faire oublier Amy Winehouse. Mustard, un DJ intergénérationnel, d’une énergie folle. The Cookers ? C’est simplement la classe. Là où le PSG n’a pas réussi à faire jouer ensemble Mbappé, Neymar et Messi, eux parviennent à faire jouer collectif des virtuoses du solo. Masego : moi qui ne suis pas fan de musique urbaine, je pourrais revoir mon jugement. Santa, qu’on a vue grandir ici à Nice (et qui est passée à ses tout débuts par L’Oreille Qui Gratte), nous offre un show à l’américaine, avec un panache fou. Ce pop-corn sucré-salé, joué piano-voix, suspendue à une grue au-dessus de Nice, a illuminé toute la ville. Feu! Chatterton nous a peut-être offert le plus beau moment du festival avec leur reprise bouleversante de L’Affiche Rouge (Ferré / Aragon).

Et puis, comment ne pas évoquer les interludes ? Ces mix entre chaque set qui font que la fête ne s’arrête jamais. Quelle idée géniale d’avoir invité Joey Starr pour mixer ! (À propos de Joey Starr, on regrettera tout de même les prix exorbitants de son stand de restauration…).
Bref, cette édition fut un succès incroyable : 44 000 entrées. Après cela, peut-on vraiment dire que les festivals n’attirent plus ?
Ce succès s’explique aussi, à mon sens, parce que — comme je le réclame depuis plusieurs années — les deux plus grands festivals de la Métropole Nice Côte d’Azur, le Nice Jazz Fest et les Nuits du Sud de Vence, n’étaient pas en concurrence cette année.
Alors rendez-vous en 2026, en espérant que cette belle dynamique se poursuive, que les festivals continuent de s’écouter autant qu’ils se vivent
Chronique : Simon Pégurier
Photos : Frédéric Pasquini
