L’Histoire d’un studio

L’émission avec Modern Electrics fut notre dernière émission enregistrée dans le studio du 17 de la Rue Tracastel à Grasse : https://youtu.be/ZqZ_AgK6bsE

En effet le studio actuel d’enregistrement d’Agora Côte d’Azur va être détruit pour être reconstruit (dans une meilleure qualité) un étage plus haut.

Comme je suis nostalgique je ne peux m’empêcher de me retourner sur ces 26 années d’enregistrement.

Je peux vous le dire les yeux dans les yeux. J ai été éperdument fou amoureux de ce studio.

26ans de vie commune sans heurt ce  n’est pas offert à tout le monde.

Benoit souviens toi comme nous étions timides et enthousiastes lorsque nous l’avons découvert.

Nous avions les cheveux sur les épaules et un ventre plat (tu l’as toujours)  souviens toi de  nos premières émissions où nous lisions chaque mot. Nous voulions mettre en lumière cette musique indépendante qui a si peu de place ailleurs, nous voulions faire des liens avec les concerts que nous organisions à la fac de sciences ou de lettres. Nous voulions être les Bernard Lenoir de la Cote d’Azur.

Et puis on était si bien, cachés derrière un micro, nous préférions être dans l’être que dans le paraitre. Nous voulions être des leaders de contenus,  pas de façade. Nous laissions la lumière à d’autres. Notre ambition était d’être des simples passeurs.

Souviens toi Benoit de ces  disques de Sonic Youth, Bec, PJ Harvey, Pavement ce shoegaze cette Lo Fi, ces bruits distordus.

Et puis nous avons fait venir nos amis de la scène locale,  simplement pour parler avec eux pour passer leurs disques et un jour les Orteils Bleus ont pris la guitare et ce fut la naissance de notre concept des sessions acoustiques. Nous sommes fideles (ou têtus) nous n’avons toujours pas changé.

Nous obligeons les groupes à se mettre à nu. Certains ont peur, ne pouvant se cacher derrière une montagne d’amplis mais la plupart osent se déshabiller. Il faut dire que les Haribos ou un verre aident à se mettre à l’aise.

Notre modèle était Radio Nova nous voulions être partout. Nous créons donc l’OVNI sur papier glacé, Wake Up, Faisons du bruit, organisons chaque semaine des concerts, le collectif Cosmos pétitionné. La politique nous tentait, Peyra était maire de Nice cela était désolant. Nous voulions être partout, dormir peu, vivre vite, la bohème c’était nous.

Et puis Benoit tu as du te rapprocher du bassin de vie de Monaco. Impossible pour toi de venir à chaque enregistrement. Quant à moi j’étais souvent à Montpellier. Nous pensions ne plus revoir notre studio. Mais forts de la confiance et de la fidélité inébranlable de Vicky Berardi et de Gilbert Andruccioli j’ai décidé de continuer. Impossible de vivre sans ces rendez vous qui ponctuent ma vie. Mais tu es tellement meilleur que moi, (je me sens tellement petit à coté de toi comme Simon Gallup devant Robert Smith) c’est toi qui avais un carnet d’adresses, qui connaissait si bien l’underground niçois. Moi je ne suis qu’un petit centriste (bien que sympathique). Qu’importe les rencontres m’ont porté, et puis tu ne nous as pas oubliés, tu étais toujours là pour partager aider découvrir.

Merci Merci Merci à ceux d’entre vous qui ont fait un bout de chemin avec L’Oreille Qui Gratte. Philippe (de Cannes) nos rencontres mensuelles étaient toujours pointues (et quelle discothèque) Francis rendait chacune de nos rencontres plus brillantes, Christelle tes intimes errances, tes carnets de voyage nous ouvraient des univers, Loic si enthousiaste, Mr Alain le meilleur d’entre nous, Marquise Céline qui nous donna des ailes, Céline Justine qui restera a jamais notre petite sœur, Teddy et son gout des mots, Amélie la plus belle des stagiaires, Laurent qui n’a qu’un défaut d’aimer trop les Rolling Stones, Philippe (de Mouans Sartoux),  te côtoyer  me fait ne pas avoir peur de vieillir, Mr Pirate qui nous a apporté les vidéos, Christophe pour   sa touche technique, Benjamin pour ca curiosité, Christine pour son stakhanovisme, Sandra pour ce rire et cette culture, Baptiste qui prépare la relève, Noel ce diffuseur d’énergie et bien sur toi Gilbert qui fut mon compagnon de route si longtemps. Sans toi l’émission serait morte 10, 20 fois. Tu m’as porté tellement souvent.

J’ai préféré mille fois tâtonner, apprendre avec vous que réussir tout du premier coup avec des professionnels

J’ai évidement des mercis tout particuliers à tous les réalisateurs qui se sont succédés derrière les manettes dans ce studio.

Philippe tellement d’années avec toi dernière les manettes, avec une anecdote par soir. Arthur tellement gentil et serviable. Nancy douce et professionnelle. Franck mais que tu es bon, même Nagui apprendrait de toi. Oui réaliser chaque semaine une session acoustique est un exploit. Une guitare/voix c’est relativement facile mais nous avons reçu des groupes de reggae (oui oui) à 10 dans le petit studio avec cuivre et batterie. Ce fut parfois à l’arrache, ce fut parfois chaotique. Mais nous ne déclarions jamais forfait

En plus de 800 émissions dans ce studio nous en avons reçu du monde !  

Que de belles rencontres. C’était de loin ce que je préférais, ces discussions, ces rires, ces coups de stress, ces amitiés naissantes parfois durables. Je ne pense pas qu’un invité soit reparti déçu du moment qu’il venait de vivre derrière le micro avec nous. L’Oreille Qui Gratte c’est un peu l’émission où on se dit merci. On a du réservoir, plus de 500 groupes dans ce studio de la rue Tracastel, réalisé prés de 700 live acoustiques. Quel exploit.

Certains de nos invités sont devenus des stars planétaires (M 83 par exemple), des stars nationales (Camille, Hyphen Hyphen, Syd Matters…) certains ont représenté la France au concours eurovision, d’autres ont attaqué Michael Jackson pour plagiat après diffusion de leurs morceaux sur nos ondes (véridique)…  mais le bonheur, la fierté est la même lorsque nous recevons Pierrot notre chanteur de rue vençois. Depuis l’émission que nous avons partagée, pas une fois je ne refuse qu’il me chante « ha les crococo les crococo les crocodiles ».

Bien sur nous avons eu moult lapins ou annulations. Je vous ai haïs parfois. Mais bon on excuse tout à un artiste.

The Smiths chante Hang the DJ. Je le pense souvent, c’est sans doute pour ça que par défaut nous le sommes devenus. Je pense que 1000 fois vous avez du vouloir nous pendre. Nos gouts pour les listes annuelles ont du vous user.

Chaque semaine les groupes font des grands yeux quand nous leur demandons ce qu’ils emporteraient sur une ile déserte. Question utilisée la première fois car nous étions à court et qui est ensuite devenue un rituel.

Dans ma cave j’ai des cartons entiers de démo K7. Dans notre rubrique autoproduits  nous avons été les premiers à jouer Mickey 3 D, Dionysos, Feu Chatterton, Fauve… et tellement  d’autres génies méconnus. A contrario j’ai toujours les premières traces d’artistes médiocres trop connus comme le débutant Pascal Obispo ou Isabelle Boulay. Mais celles la j’avais refusé de les jouer 😉

Bien sur tout le monde ne pouvait pas se déplacer jusqu’à Grasse nous étions souvent sur les routes. Dire que nous avons interviewé  Pixies; John Cale, Noir Désir et tellement d’autres….

Sur la route nous n’y étions pas seulement pour des rencontres mais aussi pour des concerts. En 26ans nous avons du voir pas moins de 1000 concerts (Vous vous étonnez que je sois sourd). Les concerts sont mon seul but de sortie. Vous imaginez comme j’ai souffert durant le COVID….  

A nos débuts il y a 26ans nous découpions les bandes avec des ciseaux, le progrès technique a tout changé. L’arrivée d’internet et surtout des réseaux sociaux (My Space au départ) a bouleversé nos modes de communication, nous avons désormais accès à tout, le travail de défrichage n’en est que plus grand. Et puis internet a permis à nos émissions d’avoir plusieurs vies. Plus seulement dans l’instantané, mais aussi sur la durée grâce aux podcast, videos, photos… L’éphémère c’est romantique mais c’est aussi frustrant…

Avec Internet il y eu les réseaux sociaux. Oui je suis accro. Tout ce qui se passe dans notre studio est filmé puis repris sur tous les supports. Quand je regarde nos chiffres j’ai le vertige. Je suis fier de vous, fier de mettre Agora en valeur. Je n’ai plus l’impression de creuser seul dans mon coin.

Notre page Facebook www.facebook.com/LOreilleQuiGratte est suivie par 6500 fans 

Les 4400 vidéos de notre page Youtube www.youtube.com/user/loreillequigratte on été vues près de 3.500.000 fois (c’est juste incroyable). Notre Instagram www.instagram.com/loreillequigratte/ crée il y a tout juste 1an compte chaque jour un nouvel abonné nous avons tweeter twitter.com/LOreilleQGratte 6200 fois  en 10ans

Vous êtes invisible mais vous êtes bien la.

Et puis internet ce fut bien évidemment la création de notre blog puis de notre web radio www.loreillequigratte.com  où nous pouvons prolonger à loisir nos émissions. Bravo Benoit pour l’investissement sur la programmation

Avec internet nous avons aussi mis en place notre mailing list. D’abord consacrée aux Necro. Aujourd’hui elle annonce nos événements et sert de liens entre les artistes azuréens. Vous êtes 5000 inscrits.

« Agora la radio en liberté » met en pratique son slogan, nous permettant d’assouvir tous nos fantasmes. Je pense à nos nuits qui grattent thématiques ou Mr Alain se permettait de passer d’un bloc l’Histoire de Melody Nelson, de faire des liens, de foutre le bordel. Avec ses discussions sans fin entre Melchior Liboa et Jean Louis Chinaski ou entre Matthieu Geghre et Emmanuel Hannah. Je pense à ce réveillon du nouvel an passé à mixer. Je pense bien sur à notre pari le plus fou du Week End qui Gratte pour les 15ans de l’émission. 36 heures non stop (ou les camemberts volèrent) avec pas moins de 15 groupes en live ou le grand Christophe nous fit une visite surprise jouant pour la dernière fois en public à la guitare. Une photo de Loïc de cette soirée a trôné bien longtemps dans ce studio. 

Bien sur nous priment quelques amants, nous fîmes quelques infidélités à ce studio pour enregistrer en extérieur. Je pense à notre 500e émission depuis la MJC Picaud qui fut sold out. Les bénévoles que nous sommes se sont même retrouvés avec des bénéfices que nous nous sommes empressés de reverser à Agora. Nous retournâmes à Picaud pour nos 25ans avec cette fois une émission streaming Covid oblige.

Il y eu aussi Mouans Sartoux, Le studio 149,  Le Volume, l’appartement de Benoit rue Benoit Bunico, la terrasse de Benoit…

Et puis plus récemment la Zonmé où l’on se retrouve comme à la maison pour vous proposer des concerts sous la forme de nos OQG Sessions où nous prolongeons ce que nous vivons dans les studios avec la fine fleur de la scène locale.

Pour prolonger notre passion nous avons pris notre plume, nous étions là à la création de Nouvelle Vague, le petit dyslexique que je suis a eu la fierté d’être publié dans Les Inrockuptibles, Rock & Folk, Télérama… 

Benoit, c’était donc la dernière émission dans ce studio que nous avons tant aimé. 26ans, incroyable que nous soyons toujours là  (Nous sommes la plus vieille émission de pop rock de France). Qu’est-ce que nous avons pu apprendre, qu’est-ce que nous nous sommes amusés.  

Pour continuer à faire vivre notre espace de liberté, nous allons maintenant nous réinventer dans le nouveau et tout beau studio situé juste un étage plus haut.

Mais que l’aventure dans ce studio fut belle. J’ai l’impression que ce fut un rêve. 

Simon Pégurier

Cet article a 1 commentaire

Laisser un commentaire

Fermer le menu