Je n’ai jamais pu être autre chose que ce que je suis.

Interview de Christophe Miossec par Baptiste Pégurier.

Baptiste Pégurier : Bonjour, j’ai une première question comment allez-vous après cette crise sanitaire ?

Christophe Miossec : Oh là ben, on n’en est pas sortis encore parce qu’après la crise sanitaire, j’ai l’impression qu’il y a encore un épisode qui arrive, donc on ne sait pas du tout, mais pas dans mon cas de figure. En tant que musicien ça va car je suis un ancien musicien. C’est moins grave que pour des jeunes musiciens, ou là par contre c’est vraiment la merde.

Baptiste Pégurier : Vous avez sorti pendant le confinement un E.P avec votre compagne, la violoniste Mirabelle Guili. Est-ce que vous avez d’autres projets en ce moment ? Et pourquoi pas avec elle ?

Christophe Miossec : Oh ben, l’idée, c’est de faire un prochain disque. C’est bien les tournées pour ça, tu accumules des idées et au bout d’un moment ça ressort. Je me n’interdis rien en tout cas, des morceaux avec Mirabelle, ça ne serait pas étonnant.

Baptiste Pégurier : Donc, vous avez joué ce soir des morceaux de l’album Boire, votre premier album. Pourquoi ce choix de jouer les premiers morceaux ?

Christophe Miossec : Tout simplement parce que c’est un album qui a un peu résonné à l’époque. Et du coup pour moi, c’était une façon de faire un peu le bilan après 25 ans de boulot. Et puis, c’est un disque que je n’ai pas beaucoup joué sur scène, à part à l’époque en 95. Et très rapidement je n’ai plus joué ce disque. Donc ce n’est pas comme si j’avais radoté les morceaux pendant 25 ans. Ça reste frais, bizarrement.

Baptiste Pégurier : Mais est-ce que vous êtes toujours à l’aise avec les paroles ? Est-ce que vous avez toujours cette même résonance avec les paroles, même 25 ans après ?

Christophe Miossec : Bah ouais, ça sort de ma petite tête et de mon petit corps, donc c’est ce que j’ai été, c’est un moment donné de ma vie. Donc ça, s’est complètement imprimé. Les danseurs appellent ça la mémoire du corps. Mais c’est valable aussi pour nous en tant que chanteur. Ça sort de la matrice.

Simon Pégurier : il y a eu des petits changements quand même il me semble sur scène, je pense a « regarde un peu la France » les paroles ont souvent été un peu modifiées, peut-être pour coller un peu plus à l’actualité.

Christophe Miossec : Oui parce qu’à l’époque je changeais le nom dans chaque ville. Et puis là, je n’ai plus rien mis de nominatif parce que j’ai passé l’âge de montrer du doigt.

Baptiste Pégurier : Et pendant l’album Best of, « Brest of (Tout ça pour ça) » Vous avez réenregistré, il me semble certaines chansons de Boire. Quelles versions allez-vous jouer ce soir ?

Christophe Miossec : Oh ben oui, évidemment, c’est les vieilles qu’on joue. Pour le Brest of, c’était l’idée de faire de la nouveauté. Au lieu de faire un best of tout bête, c’était l’idée d’essayer de retravailler des morceaux. Je ne crois pas que c’était une très bonne idée en fait, mais on l’a fait quand même.

Baptiste Pégurier : C’est un peu ce qu’a fait Alain Bashung avec Climax aussi, il me semble.

Simon Pégurier : Il me semble qu’à l’époque du premier album, vous jouiez en tant que trio et pas en tant que Miossec artiste solo, sous quelle forme c’était ?

Christophe Miossec : On jouait en trio, mais ça a toujours été Miossec depuis le départ.

Baptiste Pégurier : Le livret du premier album était présenté comme le groupe « Miossec », ça laissait le doute sur si c’était un artiste seul ou un groupe.

Christophe Miossec : Ouais, ben, c’est mon nom de famille. En fait, avant que ça soit un trio, c’était en solo. En fait au début j’étais tout seul avec mon 8 pistes et j’ai galéré pendant au moins trois ans. J’ai travaillé comme un dingue sur des paroles et de la musique. Après, c’est Guillaume qui est venu me rejoindre et là, on a simplifié les maquettes. Et puis après, pour faire des concerts, il y a Bruno qui nous a rejoints. Mais tout le disque boire était fait avec Guillaume et moi. En fait c’était même plutôt un duo à la maison qu’un trio.

Baptiste Pégurier : Et est-ce que ce soir, il y a une batterie ? Parce qu’il n’y en avait pas pour Boire. Vous en avez peut-être rajouté une ?

Christophe Miossec : Non, non, non, surtout pas. Non, non, ça ne tiendrait pas. Le disque existe pour ça. On mettrait une batterie à boire on foutrait tout en l’air.

Baptiste Pégurier : J’ai lu sur l’affiche que vous alliez jouer des morceaux de votre dernier E.P avec votre compagne. Est-ce que c’est une idée de faire un pont des tous débuts de votre carrière au dernier morceau ?

Christophe Miossec : Oui, sans le vouloir. En fait c’est le confinement qui a apporté ça, parce que du coup, on s’est mis à jouer avec Mirabelle. Ça me permet de faire une tournée qui ne soit pas qu’un truc du passé. Ça aurait été un peu triste sinon. Donc oui, ça permet d’être relié a aujourd’hui.

Simon Pégurier : Jouer des chansons d’amour tristes ou de rupture avec sa compagne. Ce n’est pas compliqué ?

Christophe Miossec : C’est toujours le problème du chanteur, l’autobiographie. Ce n’est pas ma vie à livre ouvert. C’est un peu plus compliqué que ça. Heureusement, car sinon plus personne ne ferait rien collectivement.

Simon Pégurier : Oui, de toute façon. On sait bien que l’artiste, quand il est sur scène il joue un rôle de fait. On sait bien que mêmes les rappeurs ne sont pas punirs pour certaines paroles. Donc, il y a la différence entre effectivement, le jeu de scène et la réalité.

Christophe Miossec : Personnellement je ne joue pas de rôle sur scène, je n’ai jamais pu être autre chose que ce que je suis.

Baptiste Pégurier : J’en viens à la question où est ce que vous trouvez vos inspirations maintenant ? Ça fait 25 ans peut-être même plus que vous faites de la musique. Comment avez-vous encore des idées pour des chansons ?

Christophe Miossec : Ben, je ne sais pas, en aimant bien ce boulot. Oh mais je pense que ça pourrait durer. On vivrait 400 ans on aurait toujours des choses à raconter. Déjà qu’on ne raconte plus les mêmes choses de la même façon. Il y a eu beaucoup de « je » dans Boire et là, il y en a pratiquement plus depuis quelques années.

Baptiste Pégurier : Pour votre dernier vrai album, les Rescapés, j’ai aussi remarqué cette même volonté de revenir au début avec peut être des accords plus simples, un côté plus épuré, plus authentique. Vous confirmez ?

Christophe Miossec : Ouais, ouais. Il y avait d’un côté vouloir faire le boulot le plus simple possible avec des instruments qu’on avait sous la main. J’avais un groupe quand j’étais adolescent. Il y a des trucs qui me rattachaient un peu à ça.

Baptiste Pégurier : Vous avez peut-être mis 30ans à écrire ce premier album, et donc beaucoup moins pour les suivants, qu’est-ce qui est le plus dur à faire ? Est-ce que c’est plus simple ou plus dur d’écrire sous la contrainte ?

Christophe Miossec : Une fois que le premier disque est fait, on devient professionnel entre guillemets. Ça veut dire qu’on a tout notre temps pour faire ça. Avant Boire, il fallait que je bosse pour gagner ma croûte. Donc ça limite aussi les mouvements, les moments de boulot.

Simon Pégurier : Vous écrivez divinement bien. Les paroles sont incroyablement belles. D’ailleurs, j’ai un petit bouquin à la maison avec un recueil des textes. Vous n’avez jamais eu l’envie d’aller plus loin sur l’écriture ? C’est à dire écrire des romans, des livres, des poésies ?

Christophe Miossec : Devenir sérieux quoi, il serait temps (rire). Non, non. Ben, j’ai travaillé chez Gallimard avant mes 30 balais. J’ai fait nègre (ndlr : écrivain payé pour écrire un livre pour une personne qui le signe de son nom) entre guillemets pour des bouquins. Du coup le milieu de l’édition tout ça je connais et je n’ai pas envie d’y revenir, je ne me vois pas dans une salle municipale à dédicacer des bouquins.

Simon Pégurier : Mais d’ailleurs à l’époque, je vous avais demandé de dédicacer un de vos disques et la dédicace était ironique. Vous m’aviez mis : « Ce que tu me demandes est ridicule ».

Christophe Miossec : C’est ça, ça fait une dédicace.

Baptiste Pégurier : C’est moi qui ai hérité des CD dédicacés maintenant.

II me semble que ça fait peut-être deux ans que cette tournée était programmée vu qu’elle l’était avant le Covid. Est-ce que s’est compliqué de reprendre une tournée après un an ou deux, en plus avec les mêmes musiciens et les mêmes chansons.

Christophe Miossec : Oh non, l’envie est plus grande en fait. Non, ce n’est pas compliqué. Parce que pendant toute cette interruption tous les musiciens qui vivent de leurs musiques ont pu mesurer la chance qu’ils avaient de faire ce boulot. Et puis, c’est vrai que depuis le Covid il y a un accueil qui est assez étonnant partout, ça fait plaisir

Baptiste Pégurier : Mais, est ce qu’il y a une plus grande pression ?

Christophe Miossec : Bah ouais, la pression de pas décevoir c’est ça.

Simon Pégurier : Et la suite, ce sera quoi ? Puisque là, il y a une tournée, donc pour le 25ème anniversaire. Peut-être le 26ème maintenant. Mais il y a plus de vrai album.

Christophe Miossec : Ouais. Ben, il y a un prochain album qui se prépare.

Simon Pégurier : Ouais, parce que c’est rare quand même ça, ce que vous êtes en train de faire, une tournée en dehors de toute promo, ça ne se fait pas, ça peut se faire, mais c’est rare. Alors peut-être qu’il y a un an, il y avait la promo de la réédition.

Christophe Miossec : Pour la réédition c’est ça. J’étais étonné de voir à quel point ça a pris dans les journaux, dans les radios, tout ça, tout le monde en parle. Ça dépend quel journal, quelle radio, évidemment.

Simon Pégurier : Dans Télérama, dans Les Inrocks, dans Libé…

Baptiste Pégurier : Très marrant aussi la réédition avec aucuns titres bonus. Dans toutes les rééditions d’albums souvent, les artistes y rajoutent des pistes et démos. Il n’y avait pas d’autres pistes à l’époque des enregistrements ?

Christophe Miossec : Non, même pas. Non, non, mais même sur mes disques, généralement, quand on se fait onze chansons, douze chansons. Il n’y en a pas en plus. Il n’y a pas d’armoires avec plein de trucs dedans.

Simon Pégurier : je me souviens d’un concert de vous il y a 25 ans où effectivement, vous n’aviez plus de morceau à jouer et vous aviez rejoué les mêmes.

Christophe Miossec : À l’époque, on jouait des fois deux fois le même concert. C’est arrivé.

Baptiste Pégurier : Bon bah, je vais arriver à ma dernière question, est ce que toute cette période de Covid, de confinement a rajouté des idées à vos musiques ou aux paroles ? ou à vous, tout simplement ?

Christophe Miossec : Oh, j’espère bien, mais c’est presque obligatoire, je pense, le monde a quand même beaucoup changé. On a eu le temps de bien le regarder, donc si ça ne transpire pas dans le prochain disque, ce serait triste. Mais je n’ai pas non plus envie de faire un disque de Covid. Il y en a eu beaucoup ça risque d’être un peu écœurant à la longue.

Simon Pégurier : Vous avez vécu dans les Alpes Maritimes à l’époque, j’en parle car nous sommes à Carros se soir. Maintenant, vous êtes retourné sur la Bretagne depuis 20 ans ?

Christophe Miossec : Non, je suis passé par Bruxelles, par Paris, à la Réunion aussi, non j’ai pas mal bougé.

Simon Pégurier : C’est parce que c’est l’image du Brestois qui jouait dans le Brest of, je pensais que vous étiez totalement enraciné à Brest, au pont de Recouvrance, par exemple.

Christophe Miossec : je suis rentré depuis 14 ans au pays en fait. Mais Brest c’est une ville de port, on trouve des Brestois partout dans le monde. Mais arrivés à un certain âge ils rentrent à la maison. C’est drôle.

Entretien : Baptiste & Simon Pégurier

Photos : Baptiste Pégurier & Noël Noël

Carrros, Le 25 Novembre 2021

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