De la musique pour sécher les larmes

Traditionnellement les rétrospectives de fin d’année sont jubilatoires à écrire. C’est l’occasion de se replonger dans tous les disques de l’année, les surprises, les confirmations, les inattendus, les ratés. Mais cette année cela a un gout bien amer. Ce rock indépendant qui coule dans nos veines a été la cible d’attentats immondes et aveugles. Après Charlie Hebdo et les terrasses c’est  le mode de vie, ce que nous apprécions au quotidien qu’on a voulu détruire. A l’heure de me retourner sur 2015 j’entends plus de bruits de balles et de cris que de mélodies.
Mais ne leur faisons pas la joie de nous taire, ils voulaient nous réduire au silence ils n’auront eu qu’une minute. Je vais donc suivre la philosophie d’un des hits le plus enivrant de l’année « you make me smile » Co –écrit par Youssoupha et le duo Madame Monsieur (Madame est vençoise) et oui nous allons continuer à écouter de la musique et encore plus fort  pour sécher nos larmes

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Peut être pour nous faire oublier ce sont les disques les plus déjantés, les plus allumés qui nous ont le plus retournés .En premier lieu le psychédélisme de Tame Impala nous fait tourner sur nous même jusqu’à que notre tête tourne tellement qu’on perde pieds. Attention accoutument instantané. Tel un mille feuille dans Django Django nous découvrons une pépite à chaque écoute, Noah Lennox leader des Animal Collective avec son projet solo Panda Bear nous perd dans un dédale de mille styles. Deerhunter oublie le souterrain pour le velours.  Battles invente le rock à tiroir,  Mac De Marco nous surprend avec un EP inattendu

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Pour retrouver nos esprits rien de mieux que des filles douces et plaintives. Elles ont été cette année plus au top que jamais. Lana Del Rey progressant d’album en album. Grimes y ajoutant des notes d’électro. Julia Holter fait presque aussi bien que Kate Bush. Coco Rosie retrouve le niveau de la maison de mon rêve. Une rupture sentimentale a fait produire à Bjork son plus bel album depuis Homogenic. Soko nous joue retour vers le futur, dans les années 80 mais oublie Spandau Ballet pour se concentrer sur le meilleur des Cure. PJ Harvey n’a qu’à bien se tenir si elle ne revient pas très vite Courtney Barnett aura pris sa place dans nos cœurs, en effet  elle a la même rage et énergie que Polly Jean à ses débuts. Flo Morrissey nous fait voyager en douceur les yeux fermés (décidément ce nom porte bonheur). Georgia est prête pour les chars. Gwenno inscrit de la plus belle manière le pays de Galles sur la carte du rock.  Beach House font coup double avec deux albums faisant l’éloge de la lenteur. Coté français L (Raphaële Lannadère) ou Lou Doillon tiennent la dragée haute aux anglo-saxons. Autour de Lucie a fait un tour de piste pour pas grand-chose. Kim accélère encore et encore,  mais l’on retiendra surtout Jeanne Added qui sort un premier album enflammé.
Citons aussi, même si elles ont plutôt déçu, cette année Sophie Hunger, Laura Marling,  Florence And The Machine ou Hyphen-Hyphen (Définitivement plus à l’aise sur scène que sur disque)

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Pour apaiser nos esprits nous avons aussi eu droit a beaucoup de song writing de haute volée avec en pole position Tobias Jesso JR, qui en fin d’année a même sauvé Adel du naufrage total, arrive juste après Sufjan Stevens qui redevient celui qu’on a tant aimé. Kurt Vile malgré son look douteux est à mettre dans toutes les chaumières. Richard Hawley ferait fondre n’importe quel cœur. Jay Jay Johanson est toujours aussi sensible,  Low, Giant Sand et Sun Kill moon  restent fideles à eux mêmes c’est-à-dire beaux à pleurer,  Lou Barlow et Yo La Tengo ont débranché les guitares et deviennent eux aussi des crooneur, John Grant est tout aussi doux mais un peu moins lisse. On aurait pu mettre Father John Misty dans la rubrique « déjanté » mais il a oublié les piles de sa guitare ce qui donne un résultat étonnant et remarquable. Belle & Sebastian a toujours la recette pour écrire des pop song à emporter sur une ile déserte. L’ex The Coral Bill Ryder-Jones oublie la brit pop trop sucrée pour des airs d’Eels noirs et profonds. Christopher Owens devient trop productif et nous lasse petit  à petit. Benjamin Clementine a été notre premier coup de cœur de l’année, nous permettant de finir l’hiver au chaud. John Carpenter  nous a fait aussi peur qu’avec ses films
Citons aussi en vrac Jacno Gardner, Josh Rouse, The Chills, José Gonzales, Lilac Times

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Les enceintes et guitares à fond a aussi été un moyen de cacher les cris et les larmes. Dans ce registre c’est Girl Band qui rapporte la palme. Premier album complètement additif des Irlandais qui renvoie Therapy ? et Sugar dans leurs cordes. Une véritable claque difficile de s’en remettre. Dans la hiérarchie juste après Girl Band vient Foals qui écrit un album entre hargne et hit. Ratatat & !!! ont réussi à nous faire danser avec des guitares. Palma Violets confirme que c’est mieux d’avoir les cheveux sales pour faire du rock. The Vaccines sature les enceintes. Crocodiles fait que l’on se moque totalement d’un hypothétique retour de Jesus And Mary Chain. Eagles Of Death Metal trouve le chainon manquant entre les Ramones et les Stones. The Maccabes a l’énergie d’un  jeunot. My Morning Jacket rêve de jouer ses hymnes à fond dans des stades. The Strypes s’essouffle vite. Thee oh Sees prend de plus en plus consistance. The Gardens rêve dans des caves enfumées d’un télescopage entre Red Hot Chili Pepper, Jon Spencer et le rockabilly

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Le patrimoine français ne faiblit pas bien au contraire il se serre les coudes. Les Innocents ont fait un come back aussi inattendu que réussi.  Perez fait du rock dans la langue de Michel Houellebcq, une des plus belles réussites de l’année. Flavien Berger est la révélation française de l’année avec des machines à la fois sombres et pop. Bertrand Belin a toujours le mot aiguisé et  juste. Dominique A est un jeune papa, ce qui explique sans doute qu’il soit heureux. Oui mais en musique le bonheur est ennuyeux….  Baden Baden écrit trois hits parfaits sur son deuxième album le reste est un peu poussif. Rone continue d’inscrire la France sur la carte de l’électro. Je mets au défit quiconque de résister à l’énergie du melting pot de The Shoes. Rover s’aventure plus que sur son premier album, tout en restant le seul maitre a bord. Le Prince Miiaou a du grandir Somerset. Aline a toujours les Smiths sur sa table de chevet mais c’est hélas aujourd’hui plus proche de la carrière solo de Morrissey que de The Queen Is Dead. Alain Chamfort a peu d’ambition il se prend pour Marc Lavoine, à l’inverse William Shellers ne ressemble toujours qu’a lui-même : classe jusqu’au bout des doigts qui effleurent le piano. Premier album solo pour Nicolas Godin (air) qui rend hommage en allemand a Bach un album risqué et gonflé, une grande réussite (notons aussi la ré édition de la formidables BO de Virgin Suicides, on aura jamais assez d’une vie pour en faire le tour).  Pain Noir nous raconte de petites histoires, quant à Bruit Noir c’est l’histoire de notre vie. Pascal Bouaziz s’est échappé de Mendelson pour écrire certaines des chansons les plus fortes de l’année. Gardons pour la fin le meilleur avec le premier album de Feu ! Chatterton. On l’attendait depuis longtemps mais nous fumes récompensés. Entre Alain Bashung et Tanger, on écoute en boucle sans s’en lasser

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Bien sur, quand on ne sait plus où on en est, on peut se replonger dans les anciens, les valeurs sures. Tout d’abord Blur qui sort frais comme un gardon d’une sieste de 12ans. Le toujours jeune Noel Gallagher progresse sur son 3e album,  Fortune diverse pour les Depeche Mode Dave Gahan sort un album sombre et beau avec Soulsavers ; pendant ce temps Martin L.Gore se perd corps et âme. Carl Barat réussit mieux son album récréatif que la reformation totalement dispensable des Libertines. L’an dernier c’était Julian Casablanca qui s’était échappé des Strokes, cette année c’est Albert Hammond JR qui lui aussi s’en sort la tête haute.  Godspeed You ! Black Emperor pour notre plus grand plaisir nous fait toujours aussi peur. Neil Young vire écolo ce n’est pas la plus belle idée qu’il ait eu de sa vie. John Lydon enfonce un clou supplémentaire à l’histoire de P.I.L. New Order font ce qu’ils savent le mieux faire, de la pop dansante et miracle ça marche presque aussi bien qu’il y à 30ans. Brian Jonestown est toujours la, cette fois il regarde vers la France et la nouvelle vague cinématographique. Gang of Four essaye de récupérer les lauriers que Franz Ferdinand a pris a leur place, les écossais de Franz Ferdiand doivent sentir qu’il ont le feu aux fesses il se sont donc  associés cette année aux anciens The Sparks, pour inventer FFS qui est plus une addition qu’une fusion. The Fall pourrait aussi revendiquer la paternité de tellement de groupes,  leurs 31e album studio est juste une bombe atomique.  Gaz Coombes a définitivement tourné la page de Supergrass, mais faiblit déjà un peu sur son deuxième essai. Mercury Rev fait un tour pour rien. The Chemical Brothers passe complètement à coté.  Kurt Cobain a sorti son premier album solo. Souhaitons que ce soit le dernier. Malheureusement ses démos sont juste sorties d’une poubelle. Dommage nous nous sommes tellement aimés.

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Même si nous n’écoutons ni Rap ni Electro reconnaissons avoir frémi sur les albums de l’ex 1995 Nekfeu à la fois énervé et insouciant, de Jamie XX qui s’échappe de The XX’s pour jouer seul avec ses machines ou de Disclosure qui ont même réussi à nous faire nous trémousser

Même si notre cœur est resté à Paris au Bataclan n’oublions tout de même  pas notre Cote D’azur qui fourmille de nouveaux artistes. Sur la première marche du podium plaçons My Diet Pill après 20ans de carrière ils viennent de sortir un sublime troisième album (avec Monte Vallier de Swell à la production). Tout ce qui est rare est précieux. Les P’Tits Gars Laids avec un album plus que généreux atterrissent sur la deuxième place. Leurs concerts sont toujours de grands moments de partage. Sur la troisième marche The Landscape Tape qui réussit l’exploit deux ans de suite d’être dans notre top trois avec son lo-Fi ensoleillé. Mention spéciale à C is For Noir bien qu’ils n’aient encore rien sorti ils font office  d’espoir officiel

Une année bien disparate avec aucun style qui l’emporte sur un autre, ni aucun album qui étouffe les autres. Cela n’est pas plus mal, ça donne de la place à chacun. Pour l’année prochaine souhaitons que le rock soit seul présent dans nos palmarès et d’ici là restez curieux, sortez et découvrez par vous-même les artistes

Simon Pégurier

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