Lorsque j’étais étudiant à Nice, j’étais désespéré de la méconnaissance par mes collèges de promo, de notre région. Lorsque je leur disais que j’étais de Vence la plupart me disaient « ah oui Vence ! St – Paul de Vence ! Yves Montand tu passeras le bonjour au petit Valentin » parfois c’était pire « Vence ! ah oui Le Vence (pour Levens) ». A chaque fois j’étais effrayé qu’ils n’aient pas eu la curiosité de découvrir les merveilles de notre cité. Une commune qui démarre à 150 m pour finir à 1000m, qui a des rivières, un col lunaire, des paysages à couper le souffle, des artistes de renom, un centre historique préservé, des dizaines de fontaines, autant de chapelles, la chaîne des baous, un évêché, la plus petite place du monde, 300 jours de soleil par an…. Il a fallu attendre la naissance du festival des Nuit Du sud il y a 13ans pour qu’une grande partie de mon entourage découvre Vence. Aujourd’hui quand je dis à Nice que je suis de Vence on me dit « A oui Vence les Nuits Du Sud ». Ouf… aujourd’hui je respirerais mieux car je vous assure qu’il y a 15ans mon chauvinisme en prenait une claque à chaque fois.
Si notre festival des Nuits du Sud est aujourd’hui si réputé, c’est qu’il le mérite amplement.
Il a un concept, bien a lui, la ville se retrouve l’espace de 15 soirées, une salle de concert, où les enfant peuvent danser en toute quiétude aux abords des fontaines, pendant que les parents dînent en écoutant la musique, ou dansent à en perdre haleine. La programmation est variée, ouverte à toutes les musiques du monde dès lors qu’elles sont de qualité. En plus comme l’entrée est au prix modique de 18 € la foule se presse et on en redemande.
Pour moi cette année la programmation fut la plus réussie depuis la naissance du festival. En effet il y en avait pour tous les publics, c’était plus ouvert, n’importe qui, quel que soit son age, sa condition sociale, son pays d’origine trouvait chaussure à son pied.
Téo Saavedra
L’affiche d’ouverture avait de quoi faire saliver. Suzanne Vega et Youssou N’Dour. Suzanne Vega est sans conteste une des plus grande artiste qu’a accueilli le festival. Cette New Yorkaise nous offrit une folk tout en douceur et sentiment, qui a ouvert la voie à Tori Amos ou Fiona Apple. Malheureusement l’américaine n’était pas en grande forme ce soir-là. Il faut dire aussi que le son n’était pas parfait pour son show. Reconnaissons qu’il est difficile d’offrir un son intimiste qui se prête à la musique de Suzanne Vega, sur une place en plein air devant 6000 personnes. Dommage. Au niveau du son ce concert a servi de rodage, tout sera parfait par la suite notamment pour Youssou n’Dour qui arriva avec tout son attirail pour nous proposer sa world musique sautillante, à noter un léger tournant reagge pour le sénégalais puisqu’il rend des hommages appuyés a Bob Marley. Le lendemain se fut au tour de Natacha Atlas une princesse Egyptienne qui nous fit littéralement fondre avec son raï tout en douceur allant de ballades murmurées à des classiques plein de poésie. Sa prestation nous a beaucoup plus touchés que lors de sa précédente venue, à l’époque c’était plus electro, nous la préférons largement dans le registre romantique. Omar Pene a oscillé entre rythmes mbalakh et world le tout avec une touche de jazz, bref entre tradition et modernité. Ensuite c’était au tour de la soirée « Jeunes » avec tout d’abord Mickey 3D qui nous a littéralement régalés avec sa pop rock au texte pointu et engagé. La présence de la piquante Cécile Hercule au clavier apportait une touche délirante à l’ensemble qui a fait frôler l’excellence à ce groupe de St-Etienne. Après je craignais le pire avec Le peuple de l’herbe. Le nom de ce groupe m’horripile, dans le style mauvais goût je le compare à Licence IV. Mais bref ne nous fions pas aux apparences, le Peuple a transformé la place du grand jardin en machine à danser avec leur fusion que ne renierait par Asian Dub Fondation. La quatrième soirée fut riche en émotion pour Audrey Spitz, en effet Los Angeles Crenshaw Gospel Noir étant bloqué dans les embouteillages, Téo Saavedra (l’organisateur du festival) a demandé à Audrey de monter à la volée sur scène accompagnée par son seul compagnon David Marion (stagiaire au Nuit su sud) au piano. Ils nous offrirent 3 morceaux touchants. Un peu avant 22h les Los Angeles Crenshaw Gospel Noir, avec près d’une heure de retard sautaient de leur mini bus pour monter sur scène. L’absence de balances, fit que leur concert a eu du mal a démarrer, il a fallu attendre une bonne demi-heure pour profiter pleinement de leur énergie et sautiller avec eux. Joli coup que la programmation de Ben L’Oncle Soul, Téo a vu le vent venir en bouclant l’artiste durant l’hiver avant qu’il ne devienne plus célèbre et donc trop cher pour les finances du festival. Je ne suis pas très friand de Soul, mais je dois reconnaître le talent de Ben qui se risque à chanter en français et arrive presque à faire sonner notre langue aussi bien que les classiques de Wilson Pickett ou Marvin Gaye.
Shibusa Shirazu Orchestra
Je ne me suis toujours pas remis de la 5eme soirée du festival qui pour moi a été la plus réussie de cette édition. Shibusa Shirazu Orchestra est un véritable OVNI, cet orchestre japonais nous a proposé une musique expérimentale, totalement déjantée que n’aurait pas reniée Gong. Musicalement cela était parfois un peu cacophonique, passant allégrement d’une style jazz manouche à de la noisy. Mais si l’on avait les yeux vers la scène quel spectacle. Il y avait des musiciens partout, tous plus déguisés les uns que les autres, des danseuses sortaient de nulle part pour danser avec des bananes géantes sur des échelles, il y avait même un peintre créant en direct une œuvre gigantesque. Le clou du spectacle fut lorsque l’on découvrit un dragon géant gonflé à l’hélium voler sur nos tête pour s’envoler lentement vers le col de vence. Le col de Vence aurait d’ailleurs été le lieu idéal pour ce spectacle d’anthologie, les paysages lunaires se seraient prêtés a merveille à cette féerie musicale et visuelle. Je suis même sur que s’il y a vraiment des extraterrestre au Col, ils seraient sortis pour assister à ce concert tellement il était réussi. Nous aurions ainsi la réponse à ce mystère éternel : « Y a-t-il oui ou non des OVNIS au col de Vence ? » Difficile pour Toots and The Maytals, de passer après ça. Pourtant il s’en est sorti à merveille proposant un reggaes roots authentique volant 1 million de fois au dessus de ce style trop répétitif à mon goût. Par exemple on n’a pas entendu une fois de la soirée les mots Jamaïque ou Babylone. Cela doit être la première fois dans un concert de Reagge. Pour être tout a fait honnête lorsqu’on m’a annoncé que c’était du reagge j’ai pensé à m’enfuir. Et bien je suis resté jusqu’au bout, applaudissant même debout à la fin pour réclamer un rappel.
Toots and The Maytals
La redescente sur terre fut difficile pour la sixième soirée qui eut malheureusement une des plus faibles affluences depuis que le festival existe. Fréderic Galliano et ses Africans Divas ont du remplacer au pied levé Admiral T, pour une soirée electro, dance-floors. Bibi Tanga and the Selenites nous offrirent ensuite un mélange entre jazz et Funk. Johnny Clegg étant déjà venu plusieurs fois a Vence j’ai boudé la soirée, mais heureusement ce ne fut pas le cas d’un public venu nombreux et qui m’a semblé conquis par le zoulou blanc, vu les nombreux sourires que j’ai croisés en rentrant chez moi à l’heure où se finissait le concert. Il y a 3ans j’avais vu Axel Red qui se produisait le même soir qu’Emmanuelle Seigner au palais des festival de Cannes. Je n’avais pas accroché partant au bout de quelques morceaux, j’ai donc choisi de ne pas assister à la 8eme soirée, préférant me rendre à Port Grimaud pour les Dandy Warhols. Depuis j’ai appris que la belge travaillait dorénavant avec la fine fleure de la scène française tel Florent Marchet et Christophe Miossec, peut être ai-je eu tort d’aller dans le Var ? Avec mes cheveux mi longs on croit parfois que j’écoute du ska festif. Cela n’est vraiment pas le cas. J’ai juste écouté du bout des oreilles la scène alternative française à la fin des années 80. Je n’ai donc pas vibré sur Chico Trujillo. Toutefois, ce groupe ne se prend pas au sérieux une seconde et leur bonheur de jouer est un plaisir à voir. Mes lointains souvenirs de la scène alternative française me poussent à ranger ces chiliens près du français Sergent Garcia. La malienne Rokia Traoré nous a livré un show très classe ou même ces intermèdes nous ont conquis. Lors de son précédent passage au festival, la Malienne nous avait offert un show plus dansant et j’avais été envoûté, n’arrivant pas à la lâcher du regard. Cette année c’était malheureusement par moment un peu trop linéaire. Il devait être écrit quelque part que la 10eme soirée des Nuits Du Sud serait problématique, nous avions appris au début de l’été l’annulation de Luz Casal, cette artiste chère à Almodovar soufrant d’un cancer avait du annuler toute sa tournée. Elle fut donc remplacée par Julia Mingues, mais le 5 Août la pluie tombait fort sur Vence, et l’on a bien cru que le concert serait annulé. Il n’en fut rien, une heure avant le concert un magnifique arc en ciel apparut et la pluie cessa ce qui permit au concert d’avoir lieu.
Vence le 05 Août 2010
Malheureusement beaucoup de spectateurs avaient déclaré forfait en raison de la fraîcheur, une fois de plus les absents ont eu tort. Julia Migues nous a régalés d’un flamenco intimiste aidée par des musiciens au charme hispanique qui ont du faire craquer les trois quarts des femmes présentes ce soir la. Le sénégalais Baaba Maal s’appuie sur les percussions pour construire sa musique au carrefour des cultures. L’avant dernière soirée était celle que j’attendais le plus en raison de la présence d’une légende sur notre place de grand Jardin George Clinton & Parliament Funkadelic, je ne fus pas déçu Clinton nous a fait un concert d’anthologie de plus de 2h15, ce baladant dans son répertoire qui a marqué au fer rouge l’histoire de la pop musique, cela allant du Funk, au guitare héros, a l’experiental, au planant. Un pur régal. A tel point que traditionnellement en fin de soirée Téo remonte sur scène pour donner la programmation du lendemain. Ce soir là il n’a pas pu le faire, tellement le public criait pour réclamer le retour de Clinton sur scène. Avant Clinton se produisait Asere, je dois reconnaître que je n’ai pas eu une oreille très attentive attendant avec impatience l’entrée sur scène du leader des Funkadelic. J’ai tout de même pu me rendre compte que Asere produit une musique cubaine très efficace mais déjà entendue. La clôture fut assurée par Raul Paz et Grupo Fantasma mais honnêtement tout le monde avait encore la tête dans la féerie de la veille. Grupo Fantasma nous fit faire quelque pas de salsa. Raul Paz est un cubain qui vit en France, sa musique va donc des rythmes traditionnels à la pop.
George Clinton & Simon Pégurier
N’oublions pas les deux soirées Talents du sud, qui sont pour moi des concerts à part entière. Durant deux soirées la scène est ouverte à des talents locaux sélectionnés par un jury. Les 10 groupes se produisent chacun une demi heure et sont jugés par un jury de professionnels. Le premier soir la programmation aurait pu être faite par l’équipe de L’Oreille Qui Gratte tant les artistes pop indé proposés correspondaient à la couleur de l’émission d’Agora FM. Malgré le réel vivier de talents présent ce soir là je dois reconnaître que le Duo Hannah s’est très largement imposé. Leur folk à l’énergie débordante a littéralement retourné la place, qui s’est mise à danser au rythme endiablé d’un batteur détonnant. Il faut dire Qu’Emmanuel Alarco le chanteur a une sacrée expérience pour avoir écumé depuis des années toutes les scènes de la région. Je pense que l’avenir leur est grand ouvert on ne peut en effet rester insensible a leur musique. Pour les autres groupes la barre était trop haute, pourtant la pop anglosaxone de Spy Fox est en constante progression. Astrolab évolue dans un style plus pointu plus noisy. Soleils Mouilles en début de soirée a assuré au son de ses accordéons dans une ambiance plus traditionnelle pour les Nuit Du sud. Yuna Project déjà vu l’an dernier sort petit à petit de la trip hop pour s’aventurer à merveille vers d’autres genres. A noter dans ce groupe la présence à la guitare de Stephane Guy, qui a été présent toutes les soirées du festival puisqu’il était le régisseur plateau. Je tiens sincèrement à le féliciter pour son travail qui fut absolument impeccable. On l’a vu courir de partout tout en restant disponible et souriant. La deuxième soirée des Talents Nuit Du Sud était un ton légèrement en dessous. Timek a séduit puisqu’ils ont remporté le prix public. Nous avons eu beaucoup de mal à croire qu’Amen Viana était un talent débutant tant sa technique est nickel. Zimmerlane nous a fait voyager vers l’Ecosse avec une musique qui gagnerait à être écoutée un wisky à la main dans un lieu intimiste. Ziline a de la classe avec sa musique jassy et travaillée, quand à Sandrine Destefanis elle est habituée à des lieux plus petits et je dois dire qu’elle a su habiter avec grâce la scène. Bien évidement le jury ne s’est pas trompé et Hannah fut déclaré grand gagnant. Si cela n’avait pas été le cas j’aurais fait une réclamation
Avant de conclure, je souhaite faire allusion au magnifique mag, journal d’environ 10 petites minutes diffusé pendant le changement de scène vers 22h30-23h. Ce journal dans une bonne ambiance due à la fraîcheur de Mariama faisait le tour des concerts et diffusait des extraits live et interviews. Ce mag était aussi disponible sur le site du festival et s’avère être un résumé parfait du festival.
Je pourrais encore parler longtemps, de l’ambiance du festival, des jours du sud, des cours de danse, du concours de vitrine de toutes ces choses qui font vivre notre ville pendant l’été mais par ma fenêtre j’aperçois la grisaille de l’automne qui arrive et je n’ai qu’une hâte me retrouver en Juillet 2011 pour la 14eme édition de cet indispensable festival.
Simon Pégurier
Hannah