Qui se souvient…? Ekova

Qui se souvient…?

Qui se souvient d’Ekova, cette rencontre improbable entre Dierdre, chanteuse américaine, Arash, percussionniste iranien et Medhi, luthiste algérien qui a donné naissance à l’un des projets les plus audacieux des 90’s ? Il me semble aussi compliqué à l’heure actuelle de rencontrer des nostalgiques que de savoir ce que le groupe est réellement devenu depuis la sortie de Space Lullabies & Other Fantasmagore en 2001. 

Difficile pourtant, de rester indifférent à l’écoute de ses deux uniques albums (sans compter  Soft Breeze & Tsunami Breaks qui n’est qu’une compilation de remixes) et plus particulièrement du premier, Heaven’s Dust sorti en 1998.  

Il était forcément inévitable qu’une telle différence de cultures au sein du trio ne puisse qu’engendrer un panel de compositions atypiques, mais il fallait également compter sur leurs influences (peu) communes et leur créativité sans limite. Une musique à part donc, mais aussi une volonté de Dierdre de chanter la majeure partie du temps… sans parole. On ne peut pas vraiment parler d’invention comme cela fut le cas avec le kobaïen de Christian Vander, puisqu’elle décide simplement de se libérer dans son expression par le biais d’une langue purement musicale, dont la signification ne trouverait place que dans sa manière de chanter. Une véritable expérimentation sur la musicalité des ses « mots », dans une sphère où ses syllabes et ses onomatopées se mélangent à des instruments aussi rares et nobles que le guembri, l’oud ou le mbira, là où la musique celtique se mêle au folklore maghrébin, où les chants chamaniques épousent des mélodies folk. Heaven’s Dust est une merveille hybride arborant injustement l’étiquette insensée de « musique du monde », alors qu’il s’agit ici d’une musique de plusieurs mondes, plusieurs dimensions. C’était le début d’un projet aussi inédit que beau. Une beauté qui demeure chez son successeur, mais qui, à mon humble avis, se retrouve légèrement dénaturalisée par l’utilisation des machines. 

Il y a eu par la suite quelques collaborations (notamment avec Lofofora ou encore Enki Bilal dans la cadre de son album dessiné Le Sommeil du Monstre) et des projets parallèles, mais plus aucun signe d’Ekova, formation cruellement sous-estimée qui avait tout pour aller loin, très loin. Au point d’accompagner The Cure lors de leur tournée française au début de notre millénaire. Peut-être que notre ère n’était pas suffisamment inspirante pour ces trois magiciens d’un autre temps. 

Sandra Cillo-Boyer 

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