Disparition de Prince Rogers Nelson ; le monde du basket en deuil.
- 23 avril 2016
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Jeudi 21 avril 2016, 18h30 ; la journée de boulot a été bonne. Après une bonne session bien productive je sors m’acheter des clopes et une baguette histoire de m’aérer un peu le museau. Dehors le printemps est bien installé, il fait doux, tout est serein.
Perdu dans mes pensées, je sens à peine la vibration qui agite le fond de ma poche ; un premier SMS.
– « Putain, Prince serait mort… confirmation par l’impresario… tu as des infos ? »
Le temps d’une réponse peu ou prou rassurante (je le savais hospitalisé – une vilaine grippe), tout s’accélère, messages sur messages…
-« Ho bah non, décès de Prince… 57 ans. »
-« Sad, sad year »
-« Une pensée pour mon petit Loïc, dur ! »
-« J’espère que la nouvelle a pas trop de mal à passer, des bisous »
-« Prince est mort ? »
Okay, HEY ! Je suis pas agent d’artiste ! (de « l’Artiste ») … et en plus toutes vos vibrations commencent à me
refiler le tracsir. J’accélère le pas pour rentrer tracer les sources d’informations. Il se peut que cela soit un vilain hoax. Vite.
Google > Prince / death… les infos arrivent, principalement relayées par TMZ.
On aurait retrouvé un corps à Paisley Park (studio d’enregistrement et résidence de Prince), mais le shérif du comté ne confirme pas encore l’identité de la victime. NE CONFIRME PAS ENCORE ! Soulagement ; malgré une petite voix funeste, insidieuse et persistante, ce n’est peut-être pas lui.
Et là… tweet fatal. Anna Meachan, son agent signe l’atroce nouvelle. « C’est avec une profonde tristesse que je confirme que cet emblématique artiste de légende, Prince Rogers Nelson est mort ».
Implosion, hébétude, silence.
Back in the days
Amsterdam, juillet 1984, un adolescent de douze ans assommé par la chaleur et l’ennui d’une estivalité en terre étrangère,
fusionellement vautré au fond d’un canapé en cuir marron, découvre avec avidité les joies de la toute jeune chaine musicale MTV. Pendant des heures les clips s’enchainent ; Wham, Cindy Lauper, ZZ Top, Gary Glitter, Alice Cooper,
Madonna… Soudain un rif de guitare assassin déchire le brouhaha pop ambiant. A l’écran les images d’un jeune éphèbe afro-américain, outrageusement lascif au fond de sa baignoire d’où il apparait nu, envoie une pléiade d’œillades
suggestives qui en disent long sur ses intentions. Le titre s’affiche, Prince – When doves Cry ; ma vie vient de changer, pour toujours.
When we were fans
Dans les années 80 en plein cœur de la mouvance new wave/cold wave/post punk – au trou du cul provincial et culturel du sud de la France – être fan d’un artiste aussi atypique que le kid signifiait souvent solitude et incompréhension. Que de quolibets entendis-je à l’époque sur le son, l’attitude et la sexualité (présupposée contre nature) de celui que
j’idolâtrais alors. Les noms d’oiseaux volaient bas, à son endroit comme au mien, même si plus ou moins unanimement les détracteurs devaient bien reconnaitre qu’il y avait bien « quelque chose » qui se passait avec ce nain-là.
Solitude donc, jusqu’au jour ou – au détour d’un camp d’ado’ – je rencontrais enfin un coreligionnaire ; nous avions trouvés chacun en l’autre le support essentiel au développement de notre passion musicale commune. A partir de là les choses se sont salement accélérées, en lien avec le fan club de Paris nous avions trouvé le moyen d’accéder au
catalogue Français de tous les bootleg et autres produits « non officiels » du Kid. Je garde en mémoire ce moment où j’ai reçu MA copie sur cassette du légendaire Black Album qui était elle-même copié sur une cassette copié sur le vinyle… pirate forcément. Etre fan à l’époque, ça se méritait.
Idole
Parce que forcément, Prince était une idole, une vraie.
Pas une icône préfabriquée à la façon Stock Aitken Waterman (Rick Astley, souvenez-vous…). Non. A l’instar de David Bowie et de ses multiples personnalités, Prince multipliait son personnage à chaque album à grand renforts d’une garde-robe à chaque fois repensée et d’excentricités capilaires à géométries variables (notons au passage que Prince commencera et finira sa carrière en mode « coupe afro »).
On gardera en mémoire la période « mini slip, mini cuir mais il fait le maximum » de Dirty Mind, la période pourpre de
l’inénarrable « Purple Rain », la période jazzy dans le feutré façon cotton club de « Parade » (oui, l’album de « Kiss » et de
« Girls & Boys » qui vaut surtout pour tous les autres titres aussi hautement inspirés qu’expérimentaux) … la liste est encore longue, période « Sign o’ the times », « Lovesexy »…
Heros
« Ils nous vendent des idoles, nous voulons des héros » chantait Michel Cloup au sein d’ « EXPérience » et
à cet endroit, Prince n’était pas qu’une idole, c’était aussi un Héros. En première lecture « Guitar Hero » bien sûr, tant son talent à manier le manche était indéniable (bien qu’il ait toujours eu tendance à considérer que son jeu pouvait toujours s’améliorer ; allez jeter un œil à ce lien – vers 3.30mn – pour vous en convaincre > https://youtu.be/6SFNW5F8K9Y),
mais aussi Héros musical dans un sens radicalement plus large. Imaginez que sa légende raconte que le bonhomme était capable de jouer de tous les instruments (j’ai dit tous) pour les besoins de ses compositions. Talent, travail, génie
créatif… si la définition du Héros inclut ne serait-ce que partiellement l’inspiration que ce dernier est capable d’insuffler à tous ceux qui pourraient croiser son chemin artistique alors Prince est à ranger sur les plus hautes
marches de l’Olympe musicale.
Comment ça j’en fais des tonnes ?! Bah quoi, j’suis fan, enfin… ex fan, en mode repenti nostalgique.
Pourri
Parce que soyons clair, si Prince était éminemment prolifique l’ensemble de son travail n’est pas fait que de chefs d’œuvres, loin s’en faut. C’est là le prix à payer lorsque l’on dispose d’un trop plein d’inspiration (c’est arrivé à d’autres, David Bowie – encore – en tête). Nous entrons là dans l’Age noir de la production Princière. A l’aube des années 90
Warner sentira venir le coup et cherchera à restreindre le Kid à une seule sortie par année, chose insupportable pour celui qui ira jusqu’à abandonner son patronyme contractuel en se contentant de distribuer des fonds de tiroir
jusqu’à terme (« The Vault.. old friends for sale » entre autres).
Old friends
A l’heure de l’insupportable nouvelle je ne peux, aujourd’hui que penser à tous ceux qui ont été part active de cette
« famille » Princière (par souci de « contrôle de la concurrence », Prince écrivait la musique de quasiment tous ses proches musicaux), Wendy Melvoin, Lisa Coleman, Dr Fink, Eric Leeds, Sheila E, Morris Day, Jerome Benton, Maceo Parker, George Clinton… (Putain, ils sont si nombreux) et à la façon dont ils doivent la recevoir. 57 ans putain ; c’est vraiment pas un âge pour passer l’arme à gauche lorsque l’on représente un tel potentiel.
Jehovah
Car que les choses soient très claires, si le nain a tiré sa révérence si tôt ce n’est assurément pas que le fait d’une vilaine grippe. Soyons sérieux. Mourir d’une grippe ? En 2016 ?! Même si le gars préfère se défoncer au piano + microphone tous les soirs plutôt que de rester au plume à se soigner à grands coups de grog… non ça ne colle pas. Dites-moi
plutôt que le machin a dégénéré et qu’une fois à l’hosto’ face à des possibilités d’injections et ou de prise de sang le gars Roger a préféré mettre en avant ses convictions religieuses (c’est dieu qui décide) plutôt que son bon sens. Hm, okay, okay… le seul avantage que je peux voir à la chose c’est que de son côté la team paradis ils va enfin avoir un showman correct (si l’on considère que tout ce qui respecte un peu en terme de qualité musicale est déjà en train de faire un bœuf de tous les diables au sous-sol).
« Sometimes it snows in april » donc… vilaine prophétie ; ne m’en veuillez donc pas si en la circonstance je préfère me rappeler que « life is a party, and parties weren’t meant to last ».
Ah oui, si vous vous posez encore la question du titre, apprenez que s’il est communément admis qu’il était universellement doué pour la musique, il n’en reste pas moins vrai qu’à son adolescence le Kid de Minneapolis était aussi doué pour le sport. Basketball. Ne riez pas. Richard Robinson, son coach de l’époque, cite à son endroit « Prince était un
excellent joueur ; il était excellent un ballon entre les mains, bon tireur malgré sa petite taille ../.. il aurait pu commencer une carrière… ». Ironie du sort, c’est le fait de n’avoir pu faire carrière dans le sport qui le mènera à la carrière musicale qu’on lui connait.
« Si je ne peux pas devenir le plus grand basketteur de tous les temps, je deviendrais le plus grand musicien de tous les
temps. »
So be it.
“Can I have a halelujah ?!”