Les Nuits Du Sud 2014

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Plaza Francia

                Comme un symbole, ces 17e Nuits du Sud vençoises ont commencé pour moi par The velvet Underground. En effet, à la seconde où j’ai franchi la porte d’entrée, Garland Jeffreys faisait une reprise du groupe de Lou Reed. Pour moi The Velvet Undergound est avec The Beatles le groupe le plus important de l’histoire de la musique amplifiée. Lou Reed (et le Velvet) est le père fondateur de toute cette scène bruitiste et dissonante que nous défendons inlassablement à L’Oreille Qui Gratte. Qui sait, sans ce groupe la face musicale du monde ne serait pas la même. Qui sait, je ne serais peut-être pas drogué à la musique. Depuis le décès de Lou Reed à l’automne dernier, chacun de ses morceaux est pour moi encore plus touchant. Donc oui, débuter le festival par The Velvet Underground était pour moi le signe que cette édition serait forcement réussie. Elle le fut, comme vous pourrez le voir à la lecture de ces quelques lignes.

                Pourtant ça ne commençait pas si bien que ça. Passée la reprise du Velvet Underground, le concert Garland Jeffreys (qui a travaillé avec Lou Reed), fut extrêmement décevant. Une espèce de blues-rock, où les compositions étaient cachées au milieu d’un nombre indéfini de reprises, à tel point qu’on aurait pu penser à un simple groupe de pub, qui faisait reprises sur reprises pendant que le public buvait bières sur bières. Le fils de Françoise Hardy n’avait donc pas de soucis à se faire après un concert aussi insipide, le public lui ouvrirait grands les bras. Ce fut le cas, d’autant qu’il est d’une beauté indécente qui ferait craquer n’importe quelle femme, sa désinvolture piquée à son père Jacques Dutronc ajoutant à son charme. Bon, musicalement c’est surtout quand il se met à faire de la guitare manouche à la Django Reinhardt qu’il l’emporte. Thomas Dutronc étant le fils de… on ne peut que comparer ses compositions à celles de ses parents, et là, malheureusement, il ne rivalise pas.

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Thomas Dutronc

                Si on a une lecture en diagonale on peut penser que Yodelice est un énième chanteur de variété, son pseudo de mauvais goût sonne « grand public », le fait qu’il soit le papa du fils ainé de Jennifer (de la Star ac’) ne plaide pas comme une reconnaissance musicale. Mais ne vous fiez pas aux apparences, Yodelice envoie une pop vitaminée qui rivalise avec n’importe quel groupe (à forte crédibilité artistique) britannique.

                Il en va de même pour le patriarche Bernard Lavilliers. À 68 ans, on pensait ne plus rien avoir à attendre de lui, pourtant son dernier album  Baron Samedi  tient plus que correctement la route. Il en est de même pour sa prestation scénique où ses chansons métissées ont comblé un public venu très nombreux, d’autant plus qu’à la différence de son concert de 2002, Lavilliers a fait ce soir-là un concert proche du best of.image

Temenick Electric

                Voyage coloré et inattendu en Inde avec Chaar Masala, intéressant pour les oreilles, intéressant pour notre culture musicale. Avec Temenick Electric on reste dans le métissage mais cette fois plus axé sur le Maghreb. Voilà ce que ça donne quand des personnes d’origine algérienne, qui ont grandi en France, mixent à part égale leurs deux cultures. Ca doit être ça la définition de l’intégration réussie. Surtout quand cela finit dans un dance floor de Bagdad.

                Sabina nous avait bluffés lors de sa précédente venue aux Nuits du Sud avec son ancien groupe Brazilian Girls, cette fois nous fûmes certes bluffés, mais plutôt par son mini-short que par sa musique. Ça tourne bien vite en rond, heureusement on se console en regardant sa plastique. Mais dans un concert, quand on commence à regarder les jeux de lumière ou le physique des artistes, c’est souvent mauvais signe.

                Alborosie & Shengen Clan ont toute la panoplie du rasta, forcement ça attire la sympathie, surtout que leur reggae est de très bonne facture. Mais du reggae de très bonne facture, ça reste quand même du reggae…image

Alborosie & Shengen Clan              

              Aux innombrables raisons que nous avons d’être fiers de notre ville se rajoute celle d’être la résidence de la magicienne Clarcèn. Elle participe au Tremplin des Talents des Nuits du Sud, elle a bien évidemment remporté ce concours (sinon on aurait pensé que le jury était sourd). Avec son précédent groupe Haute Couture (plus axé Hip Hop), elle avait déjà reçu le Prix du public en 2009 dans ce même tremplin. Maintenant, c’est en solo qu’elle monte sur la première marche. Elle le mérite amplement, sa musique est un mix de haute voltige entre Bjork et Camille qui nous fait frissonner à chaque écoute.

                Une autre virtuose en la personne de Z-Star prend ensuite la scène. Entre ses compos à la sauce Janis Joplin et ses reprises de Led Zepplin, sa guitare a résonné dans toute la cité des arts.

                Pink Martini pourrait être un groupe de bal. Oui, mais un formidable groupe de bal. Ce groupe ne nous propose que des reprises (du coup on ne s’ennuie jamais car on connait tous les morceaux), mais des reprises remises à leur sauce. Il y en a pour tout le monde de 7 à 77 ans. Mis à part chez Pink Floyd je n’aime pas les solos de guitare. En musique la technique a tendance à vite me fatiguer, j’ai toujours trouvé louche qu’on essaye d’en mettre plein la vue. Pour moi, ce qui compte, c’est l’émotion, les mélodies, donc forcement je suis resté de marbre devant Jonny Lang, bien que je reconnaisse en lui une énergie incroyable.

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Z-star

                Voyage au cœur de l’identité première des Nuits du Sud avec Cumbia All Stars, comme son nom ne l’indique pas, ce groupe réunit des musiciens péruviens qui jouent ensemble depuis plus de 40 ans. Forcément, ils se connaissent par cœur, et le moins qu’on puisse dire c’est que ça fonctionne à la perfection. Des tonnes de gouttes de transpiration ont dû couler, tant notre place dansait à tout rompre. Sans doute le meilleur concert du festival. Des trois groupes en lice pour les Talents des Nuits du Sud, Pepper Soul est de loin le plus faible, il y a du groove et de la sensualité mais, surtout, encore beaucoup de travail en perspective. Quelques notes de Zouk ont vite fait de me décourager d’écouter Maya Kamaty.

                J’adore les Rita Mitsouko, j’adore Gotan Project, donc en suivant l’adage que les amis de mes amis sont mes amis, je devrais adorer Plaza Francia (groupe composé de Catherine Ringer et de deux membres du Gotan Project). Pourtant, passé l’effet de surprise d’entendre du Rita à la sauce tango, j’avoue que ça tournait assez vite en rond. Pourtant, il flottait ce soir-là sur Vence une magie que je ne pourrais pas expliquer, à tel point que dans chaque centimètre carré de notre ville (j’imagine même sous le moindre pont) respirait le bonheur (mais attention le bonheur est éphémère). Je n’ai croisé que des sourires et des regards profondément heureux

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Garland Jeffreys

                Il devait être écrit que le 28 juillet il n’y aurait pas de musique à Vence. Gaëtan Roussel, ex leader de Louise Attaque, devait s’y produire. Il y a fort à parier qu’il aurait tout retourné sur son chemin avec ses pop songs électriques aux textes aiguisés. Chaque platane de la place du Grand Jardin se souvient encore de son passage avec Tarmac (l’un de ses Syd Project), où il avait notamment chanté à mon intention La Ballade des gens qui sont nés quelque part,une reprise de Brassens qui me colle à la peau. Malheureusement, lors d’une mauvaise chute sur scène quelques jours plus tôt, Gaëtan Roussel s’est cassé le tendon d’Achille et a dû annuler son concert.

                À quelque chose malheur est bon : Susheela Raman était prévue pour le remplacer, mais là non plus nous n’avons pu l’entendre puisque, pour la 1ère fois depuis 13 ans, un concert dut être annulé en raison de la pluie. Il y a 13 ans, très franchement, nous ne l’avions pas regretté puisque cela était tombé sur le très médiocre Faudel ; par contre cette fois nous avons perdu beaucoup, puisque nous n’avons pas pu entendre la musique hypnotique de la belle Anglaise. Irma, même si sa pop, soul, folk ne casse pas quatre pattes à un canard, elle nous a tous touchés en plein cœur grâce à sa douceur et sa gentillesse.

                La question de savoir combien de musiciens actuels des Wailers ont joué avec le dieu du reggae Bob Marley a-t-il vraiment de l’importance ? À l’exception d’Aston «Familyman » Barrett (le bassiste aux 40 enfants), qui a dû le croiser une ou deux fois, je pense que personne n’a même aperçu l’ombre de Bob. Mais qu’importe, ce groupe que je nommerai de tribute a régalé durant deux heures le très nombreux public avec tous les hits de Marley. Personne n’ignore que le Reggae n’est vraiment pas ma tasse de thé et pourtant je connaissais la moindre note de chacun des morceaux joués ce soir-là.image

The Wailers

                 L’an dernier, Gianmaria Testa avait joué au Nuits du Sud en première partie de Cali, sa musique intimiste n’était pas adaptée à une scène si grande, du coup il a eu droit à une nouvelle chance dans la petite et chaleureuse salle des meules. Ce concert peut nous donner des idées à tous pour un lieu pour Off dans les années à venir.

                Lunatic Souk et Lamuzgueule ont étonné tous les visiteurs des nocturnes des commerçants vençois, en faisant bouger une place Clemenceau pourtant pas acquise à leur cause au départ.

                Je suis arrivé un peu en retard pour Hollysiz, bien que sur la route j’ai pu entendre son single repris en cœur Come Back to me. Une fois sur la place, tous les garçons avaient des grands yeux pétillants, ils me disaient tous : « Waouh, qu’est-ce  qu’elle est belle, c’est la sœur de Vincent Cassel  ! Elle a les mêmes yeux ».Oui, OK, mais personne ne m’a parlé de sa musique…  Bernard Lavillers nous l’a dit le 12 juillet : « La musique est un cri qui vient de l’intérieur », il faudrait donc expliquer à Bootsy Collins que ça sert a rien de se la péter dans des solos interminables, ni de faire l’intello. Mis à part les habits portés par les musiciens (des bleus de travail), il n’y avait rien de sympathique dans ce concert. La musique, c’est instantané,  pas réfléchi. Le concert de l’ancien bassiste de James Brown fut la plus grosse déception du festival.

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Hollysiz 

               Collectif très coloré avec Herencia De Timbiqui, musique ultra vitaminée à base d’un cocktail d’Amérique du Sud, deux chanteurs qui se répondent constamment. Bref ça marche du tonnerre.

                On ne peut pas dire la même chose d’America. On peut voir la réussite d’un concert au nombre de sourires sur les visages ou au nombre de départs avant la fin. Pour America ça bâillait, et je pense que les départs étaient tellement échelonnés qu’il n’a pas dû y avoir d’embouteillages à la fin. Mais si, America,vous connaissez ! C’est ce groupe qui a signé le classique A Horse with no name, ce morceau de folk imparable que vous entendez régulièrement sur des radios (pour vieux) style Nostalgie. Je fais le pari qu’aux premières notes du morceau vous montez le son en vous disant « Waouh, chouette, j’adore ce morceau de Neil Young », et puis au bout de quelques secondes vous réalisez que ce n’est pas Neil Young, mais un groupe inconnu au bataillon. Beaucoup de fans de Neil Young ont dû venir à ce concert en pensant avoir de la folk grand luxe, ils furent grandement déçus. Les vrais fans de Neil Young, eux, ne se sont pas trompés, ils avaient réservé leur soirée une semaine plus tard, le 7 août, pour voir l’unique et la vraie légende au Sporting de Monaco.

Gaby Moreno a su envoûter le public des Nuits du Sud avec sa musique qui est un mélange subtil de blues-rock et d’influences sud-américaines. Particulièrement lors de sa reprise où, avec une voix pleine d’accent, elle a fait revivre le Laisse tomber les filles de Gainsbourg. Ester Rada est magnifique, sa musique très soul, teintée d’afro-jazz et même de pop, est soutenue par un excellent orchestre très groovy et des puissants cuivres.

                Le trio Winston Mc Anuff & Fixi nous emporte aux confins du rock-musette, reggae, soul ou maloya, et s’affranchit des codes pour créer sa propre musique. Il sait installer un univers grave, comme ce blues What Dem Say, où la voix cabossée de Winston McAnuff s’épanouit superbement. Il nous installe également dans un univers léger, comme cette mélodie enlevée Garden of Love, qui nous fait imaginer les ruelles de Paris. Il sait nous piéger avec toutes ces mélodies redoutables d’efficacité. Des trottoirs parisiens aux collines jamaïcaines, en passant par les champs de canne à sucre, Winston & Fixi tracent notre route, se fichent pas mal des frontières, et transcendent les genres sur leurs tempos venus de nulle part.

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Jonny Lang

                L’Argentine La Yegros est très belle, elle danse bien (avec une étonnante danse mimant la conduite automobile), son mélange de folklore et d’électro est très frais. Mais sincèrement c’est déjà entendu et réentendu. Mis a part les Beastie Boys, je n’aime pas le rap. Cela dit il y a 20 ans, à défaut d’agréable, je trouvais I AM intéressant, donc pourquoi pas jeter une oreille à ce groupe. Bon, déjà la forte attente (environ 45 minutes), l’interdiction aux photographes de faire leur métier, me refroidirent et me donnèrent envie de partir. Mais bon la place est pleine comme un œuf, et plus jeune qu’elle ne l’a jamais été. Dès que le groupe déboule sur scène, le public répond présent et se met à la seconde à sauter en faisant des arcs de cercle avec les mains. Personnellement je me sens super vieux au milieu de tout ça. Du bla-bla sur des beats préenregistrés ça ne me parle pas. De plus, cette reformation fait réchauffé, il y a un immense écart entre les titres de la grande époque et les compos actuelles. Mais bon, je fais la fine bouche ; sur les 9000 personnes présentes, I AM a dû en régaler 8999, c’est bien là l’essentiel.

                Belle surprise avec Rivière Noire qui brasse le Brésil et le folk malien. Pour clôturer le festival : Kassav’. Comme vous l’aurez compris je ne suis pas fan de cette musique qui vient de Martinique, je me passerai donc de faire des commentaires, je dirai simplement que, dans le même genre, je les préfère à Magic System ou Francky Vincent.

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Bernard Lavilliers

                En ne bougeant pas de la place du Grand Jardin, en moins de 15 soirées on arrive à faire le tour du monde. Tel un Grand-huit, où chaque virage nous offre des surprises : parfois les montées sont longues et ennuyeuses, mais les descentes révèlent toujours des surprises qui se cachent dans un lieu inattendu qui nous fait frissonner. Cela laisse toujours de beaux souvenirs et l’envie d’y retourner.                                                                                

Compte-rendu L’Oreille Qui Gratte

Photos : Loris RABET (All Access Photographie)

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Yodelice

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